Par le père Ben Johnson. Traduit de l’américain par Benoît H. Perrin.
Dans le préambule de sa constitution, le Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses (SITT-IWW) affirme qu’il va réaliser le socialisme (qu’il a surnommé « démocratie industrielle ») en « jetant les bases d’une société nouvelle à l’intérieur même de l’ancienne ». Mais la rhétorique chrétienne peut-elle être vidée de sa substance pour faire place à des principes laïques de gauche ?
Selon un observateur polonais, c’est précisément ce type de processus qui est à l’œuvre en Europe. Un des acteurs de cette mutation serait Jaroslaw Kaczynski, chef du parti Droit et justice (PiS), au pouvoir en Pologne.
Kaczynski a annoncé son intention de renforcer le programme gouvernemental « Famille 500+ », qui distribue des allocations aux familles de deux enfants et plus. Dans le cadre de cette extension, les jeunes gens de moins de 26 ans seront dispensés du paiement de l’impôt. Jusqu’ici, tout va bien. Mais l’État versera également une pension supplémentaire aux retraités et accordera des allocations familiales dès le premier enfant, creusant ainsi la dette publique.
Des universitaires polonais affirment que ce programme a déjà fait progresser le chômage, alors que l’allocation distribuée est bien maigre. Le gouvernement verse à chaque famille environ 120 € par mois (500 zlotys) pour chaque enfant, soit un peu moins d’un dixième du revenu mensuel moyen.
Mais beaucoup de parents semblent se contenter de vivre avec cette somme. Près du tiers des bénéficiaires (environ 350 000 parents) élèvent un enfant alors qu’ils sont au chômage.
Le parti Droit et justice est conservateur sur les sujets de société, mais interventionniste sur le plan économique. Un tel programme vise à accroître le taux de fécondité du pays.
Dans le monde occidental, de nombreuses personnalités ont travaillé à la redistribution de la richesse avec une visée sociale. Elles visaient à la préservation de la famille, ou à d’autres objectifs profondément influencés par la culture catholique.
Brian Porter-Szucs, professeur d’histoire à l’université du Michigan, livre son analyse de la situation en Pologne :
Kaczynski n’est pas devenu « communiste » du jour au lendemain. Mais nombreux sont ceux qui voulaient un État qui reprendrait les promesses du parti communiste : la cohésion sociale, l’homogénéité culturelle et le nationalisme. Ils souhaitaient simplement qu’y soit insufflé un vocabulaire conceptuel catholique plutôt que gauchiste.
Dans cette perspective, le communisme est remplacé par un nouvel appareil rhétorique. Mais c’est le catholicisme qui sort perdant. L’enseignement social de l’Église, tel qu’exprimé dans Rerum Novarumet Centesimus Annus, est incompatible avec le marxisme, et lui est même diamétralement opposé. Si elle est détournée pour maintenir « les promesses du parti communiste » à des fins séculières, la foi catholique perd son essence même.
Par ailleurs, dans le domaine politique, les notions de droite et de gauche sont en train d’être redéfinies. Mitchell A. Orenstein, professeur à l’université de Pennsylvanie, témoigne que « la droite populiste déploie la rhétorique et les politiques de la social-démocratie au service du nationalisme autoritaire. »
La plupart des habitants d’Europe de l’Est n’ont pas soutenu le communisme, et ne le soutiennent toujours pas. Ils en comprennent le déni laïque de la dignité humaine. Pourtant, c’est le populisme qui a remplacé un modèle libéral classique, fondé sur la liberté, comme solution alternative viable. Orenstein estime qu’« un nouvel ordre politique européen » est en train de prendre forme, se frayant un chemin pour s’extraire de l’ancien consensus.
Une fois que le pouvoir d’État est construit, sa coercition peut être utilisée au service de n’importe quelle idéologie. Ceux qui croient que l’État peut faire respecter l’orthodoxie catholique feraient bien de se souvenir de l’histoire. Des sociétés autrefois catholiques ont persécuté l’Église et consacré le sécularisme par la force, à la place de la foi. D’autres croient que les États-Unis sont une dystopie oppressive, qui est en train de se transformer rapidement en une théocratie chrétienne d’extrême droite. Ceux-là devraient être les premiers à refuser à l’État l’autorité nécessaire à faire advenir un tel destin.
This is a French translation of the English-language blog post, "Communism with a Catholic vocabulary?"